Faire preuve de créativité pour mobiliser les ressources au niveau local à Hong Kong

Les gens sont nombreux à considérer Hong Kong comme faisant partie des pays du Sud en dépit de son très bon classement dans l’économie mondiale ainsi qu’en terme de revenu moyen pour ses citoyens. Au 27ème rang parmi 214 pays en terme de produit intérieur brut (PIB) par habitant et au 12ème rang sur 184 pays en terme de revenu national brut (RNB) par habitant, ce type de classement ne correspond pas à l’image de « pays pauvre du Sud ». Il n’est donc pas surprenant qu’Hong Kong soit rarement une priorité pour la plupart des bailleurs de fonds institutionnels. La répartition des richesses est cependant extrêmement inégale : les écarts de richesse ont augmenté significativement depuis 2001 (passant de 0,525 à 0,537 en dix ans selon le coefficient de Gini pour lequel un nombre plus élevé signifie un niveau d’inégalités plus fort). Pour illustrer cette situation, les écarts de richesse de la ville sont désormais plus importants qu’à Washington et à New York.

Mais, pour reprendre des propos que j'ai déjà tenus dans le passé, une économie riche n’est pas nécessairement synonyme d’engagement en faveur de la philanthropie au service du changement social, et une économie développée ne va pas toujours de pair avec une structure politique démocratique ou une sensibilisation aux droits humains. Par conséquent, Hong Kong est coincée entre revenus élevés et niveau d’inégalités également élevé tout en ayant un classement relativement modeste sur l'indice de démocratie 2014 de l’Economist Intelligence Unit (66ème sur 267 pays, derrière les Philippines, la Malaisie et l’Indonésie). Hong Kong est également dans une position difficile avec le gouvernement chinois : la plupart des politiques publiques favorisent les plus riches et les autorités chinoises alors que la société civile de Hong Kong n’a guère son mot à dire.

La collecte de fonds au niveau local révèle cependant une réalité légèrement différente. Parallèlement à l’augmentation des inégalités, Hong Kong a vu le nombre des organisations à but non lucratif augmenter rapidement. Entre 2005 et 2010, le nombre d’organisations caritatives exonérées d’impôts a augmenté de 53 %. Cette concurrence, qui s’inscrit dans le contexte politique antidémocratique de la Chine et une philanthropie qui porte localement principalement sur des questions politiquement correctes, fait de Hong Kong un endroit très compliqué pour lever des fonds en faveur des droits humains. Néanmoins, Hong Kong occupe une position honorable en s’élevant à la dixième place du classement sur cinq ans (2009-2013) du World Giving Index 2014 publié par Charities Aid Foundation, avec une majorité des dons octroyés aux associations caritatives. D’après le sondage de l’université de Hong Kong portant sur les dons des habitants de la ville (2009), les trois principaux types de dons étaient ceux octroyés aux personnes âgées (14,4 %), aux soins médicaux (11,9 %) et à l’enfance (11,8 %). Curieusement, 1,8 % des dons allaient à la défense des droits des animaux mais seulement 0,8 % étaient octroyés aux femmes et 0,5 % aux droits humains.


HER Fund/All rights reserved.

HER Fund raises human rights awareness with an event called, "Racewalk." Hong Kong's human rights community must get creative to grow its resource pool.


Pour la plupart des citoyens de Hong Kong, les dons caritatifs reviennent à aider ceux qui sont dans le besoin plutôt qu’à renforcer les droits humains.

C’est en partie en raison du fait que les « droits humains » sont un sujet politiquement sensible à l’ombre du gouvernement chinois. Les gens hésitent à soutenir les droits humains et associent généralement ce terme avec les campagnes de plaidoyer. Pour la plupart des citoyens de Hong Kong, les dons caritatifs reviennent à aider ceux qui sont dans le besoin plutôt qu’à renforcer les droits humains.

Le HER Fund, créé en 2004, a très vite perçu la modestie des financements disponibles  pour les droits humains, et encore plus pour les droits des femmes. Nous somme le seul fonds à Hong Kong qui accorde des subventions chaque année pour défendre les droits des femmes.

Nous considérons faire partie des mouvements des femmes avec pour rôle de mobiliser des ressources et d’investir dans l’autonomisation des femmes, en particulier celles qui sont marginalisées et laissées pour compte.

Mais être visible et entendu dans un océan d’organisations à but non lucratif est en effet un défi. Le Hong Kong Council of Social Services a publié une étude en 2011 montrant que les « dix premières organisations caritatives » nommées par les personnes interrogées étaient les mêmes que celles qui avaient été citées en 2005. Certaines organisations s’étaient clairement bâti une réputation et avaient tissé des liens anciens avec la population. Mais où et comment les gens s’informaient-ils sur les associations caritatives qu’ils soutenaient et quels étaient les raisons les poussant à soutenir certaines associations plutôt que d’autres ?

L’enquête montrait que la télévision et la radio étaient les principales sources d’information, suivies par les journaux et ensuite internet pour près de 10 % des personnes sondées (un chiffre probablement plus élevé aujourd’hui). Toucher un plus grand nombre de donateurs potentiels partageant les mêmes valeurs passe d’abord par une meilleure visibilité et une communication efficace avant de travailler pour renforcer leur implication. Mais avec un tel niveau de concurrence, les organisations de défense des droits doivent également faire preuve de créativité pour leurs stratégies de communication et de promotion.

À titre d’exemple, le HER Fund a lancé Share Talent, une plateforme en ligne où les professeurs volontaires animent des classes et dont les frais d’inscription des participants vont au HER Fund. En plus d’avoir collecté 20 000 $ entre 2013 et 2014, cette plateforme nous a également permis de gagner en visibilité au sein de la communauté et au-delà. Nous avons récemment été contactés par la filiale d’une marque internationale de produits cosmétiques pour être le nouveau bénéficiaire de leur campagne de communication produit. Ils nous ont contacté suite à une simple recherche sur internet : ils ont trouvé notre approche inclusive et transparente et notre soutien aux femmes significatif. Si nous n’avions pas été ouverts à de nouveaux types de relations et aux campagnes créatives, ce lien ne se serait jamais concrétisé. De plus, nous avons récemment lancé un film qui nous a permis de beaucoup gagner en visibilité avec 20 clips média dans les magazines en ligne et dans la presse écrite. Bien sûr, ce type d’évènement d’envergure requiert un degré élevé de professionnalisme ainsi que des coûts de production conséquents (17 420 $) ce qui représente un risque significatif alors que nous ne savions pas précisément combien nous allions collecter. Cet événement s’est avéré être un grand succès pour le HER Fund, avec la collecte d’un total de 42 600 $ dont un bénéfice net de 25 000 $.

À travers nos efforts pour lever des fonds, nous soulignons la possibilité de donner autrement pour bâtir un monde meilleur lorsque nous communiquons avec les publics que nous ciblons. Nous jouons un rôle important dans le soutien à des mouvements qui ne reçoivent des financements d’aucune autre fondation locale pour les campagnes de sensibilisation et de plaidoyer. La participation des femmes à la vie civile est un enjeu clef que nous soutenons, mais à Hong Kong le climat politique rend la collecte de fonds pour ce type d’activité extrêmement difficile.

Mobiliser les ressources locales pour les activités liées aux droits des femmes à Hong Kong est en soi une démarche stratégique pour susciter le changement social. Nous savons que Hong Kong est en bas de l’échelle des priorités pour de nombreux donateurs étrangers.  Même à Hong Kong, trouver des fonds dédiés aux droits humains est difficile. Cependant, le financement extérieur est également essentiel pour nous aider à renforcer nos capacités à collecter localement des fonds, en particulier en terme de stratégies de communication. Par conséquent, nous avons pris les choses en main et décidé de faire preuve de créativité pour générer des financements, tant étrangers que locaux, pour avoir les moyens de tisser des liens étroits au niveau local. Nous ne sommes pas attentistes face au changement à Hong Kong. Nous créons les conditions du changement.