En Afrique, les droits de l’homme et la religion vont souvent de pair


Greg Neate/Flickr (Some rights reserved)

Ghana's religious institutions have a long history of protecting and promoting human rights in the country, writes Professor Atiemo.

 


Le récent article de Larry Cox dans openGlobalRights appelant à « réunir la foi et les droits de l'homme au niveau mondial » s’ajoute à des appels similaires de John Witte Jr.Abdullahi An-Na’im et Gerrie ter Haar.

La religion importe, disent ces experts, car sa résilience est prouvée, ainsi que l’est son influence positive sur le comportement du groupe et de l’individu.

C’est particulièrement vrai pour les pays en Afrique et ailleurs dans le Sud de la planète, y compris dans le mien au Ghana. Pendant une bonne partie de notre histoire, la religion a été une force pour la dignité humaine et la justice sociale. La collaboration entre les droits de l’homme et la religion est peut-être une nouveauté pour cette génération de défenseurs des droits dans les pays du Nord, mais elle est depuis longtemps un lieu commun dans mon pays.

Ce fut à travers des organisations œcuméniques populaires telles que les Conseils locaux d’églises, par exemple, que les notions d’égalité homme-femme se sont répandues au Ghana. Les agences gouvernementales et non gouvernementales se sont appuyées sur ces groupes religieux et sur leurs réseaux pour promouvoir l’égalité homme-femme.

Les discussions sur le lien entre les droits et la religion se focalisent souvent sur de grandes personnalités comme Mahatma Gandhi, Martin Luther King Jr. ou Desmond Tutu. Cependant, les institutions et les idées religieuses sont tout aussi importantes.

La collaboration entre les droits de l’homme et la religion est peut-être une nouveauté pour cette génération de défenseurs des droits dans les pays du Nord, mais elle est depuis longtemps un lieu commun dans mon pays.

Au Ghana, les chefs religieux soutiennent régulièrement les idées en matière de droits de l’homme. Sous diverses dictatures par exemple, les institutions œcuméniques chrétiennes comme le Conseil chrétien du Ghana et la Conférence des évêques du Ghana, ont aidé à préserver un espace politique pour les dissidents.

Par exemple, en plein coup d’État militaire mené en 1981 dans mon pays par le « révolutionnaire » Jerry Rawlings, les nouveaux dirigeants interdirent effectivement toute dissidence politique. Ce furent les chefs de ces organisations œcuméniques et leurs journaux, le Christian Messenger et le Catholic Standard, qui comblèrent ce vide, assurant que la voix de la dissidence restait vivante.

Dans le Nord de la planète, nombreux sont ceux qui attachent de l’importance à la protection des droits internationaux de l’homme. Cependant, en Afrique et ailleurs dans les pays du Sud, nombreux sont ceux qui, parmi nous, comptent sur la protection de Dieu et notamment sur son aide pour notre dignité humaine fondamentale.

Les défenseurs laïcs des droits accusent souvent les communautés religieuses et leurs membres de discrimination, d’exclusion, de division, de haine, de violence et d’intolérance. Mais la lutte contre ces fléaux a longtemps fait partie de notre tradition religieuse et la religiosité de son caractère est plus ancienne que sa laïcité.

Bien avant que les ONG laïques au Ghana aient pensé à créer un lieu pour les personnes vulnérables comme les aveugles et les sourds, nos églises presbytériennes et méthodistes ont fondé des écoles pour les handicapés à Akuapim et Wenchi. De plus, en travaillant avec les groupes de femmes dans les églises ghanéennes, les activistes sociaux ont attiré l’attention sur les aspects cruels des rites de veuvage, faisant pression en faveur de leur réforme et même de leur abolition.

De plus, pour le Ghanéen moyen, il n’est pas facile de distinguer entre les attitudes religieuses et laïques. En effet, la plupart des gens puisent dans leur croyance religieuse la force et la motivation pour presque tous les aspects de leur vie.

En dépit de tout cela, de nombreux défenseurs des droits de l’homme et de nombreux universitaires restent suspicieux à l’égard de la religion. Récemment, par exemple, des défenseurs des droits de l’homme, tant au niveau local qu’international, ont critiqué les camps d’inspiration religieuse au Ghana pour les personnes accusées de sorcellerie.

Cette attitude ne va pas dans la bonne direction. Ces camps fournissent un refuge pour les filles et les femmes vulnérables, qui ont subit pour la plupart d’entre elles les attaques de bandes de villageois. Ces camps de prière et de guérison fournissent également un secours pour les patients en psychiatrie, qui sinon auraient un accès limité aux services de santé mentale.

L’État ghanéen n’a pas la capacité, ou la volonté, de fournir une alternative en matière d’assistance et ces camps religieux répondent donc à un besoin important. Les défenseurs des droits de l’homme devraient regarder ces camps avec sympathie plutôt qu’avec suspicion.

Le travail dans le domaine des droits de l’homme est une activité en réseau dans un monde globalisé et les développements dans les centres mondiaux les plus puissants ont un impact sur les acteurs de la périphérie. Et vu que les projets en matière de droits de l’homme dans les pays du Sud sont financés par des organisations du Nord, les ONG du Sud s’efforcent souvent à ressembler à leurs homologues du Nord. Par conséquent, la posture antireligieuse des professionnels des droits de l’homme du Nord influence de plus en plus leurs collègues du Sud.

Cependant, dans la plus grande partie du Sud de la planète, la collaboration entre les droits de l’homme et les communautés et institutions religieuses est vitale. Elle donnera aux projets concernant les droits de l’homme une plus grande crédibilité sur le plan local, et élargira le débat et l’implication publique sur les idées touchant aux droits de l’homme. Cet engagement plus important va revitaliser la dimension humaniste de la mission religieuse comme exprimée à travers ses activités humanitaires et de justice sociale.

Bien sûr, la domination de la religion dans certaines sociétés signifie également que la religion et les phénomènes qui lui sont liés et qualifiés généralement de « culture », de « tradition » et de « coutume », peuvent être à l’origine de violations majeures.

Dr. Henry Seidu Daanaa, Ghana's first visually impaired minister.

 

Cependant les sociétés du Sud ont fait, et continuent de faire, de gros progrès dans la réinterprétation, la réorganisation, l’ignorance ou même l’abandon des aspects les plus abusifs de la religion.

Considérez ceci : quand le président du Ghana a nommé un aveugle comme ministre des affaires traditionnelles et de la chefferie, les autorités traditionnelles ont rapidement renoncé aux tabous coutumiers empêchant les chefs de serrer la main d’un aveugle. Considérez également l’abolition par le Ghana de nombreux aspects cruels des rites de veuvage et de puberté.

Des changements de ce type prennent du temps mais c’est aussi vrai dans les pays du Nord où de nombreux groupes religieux ont encore une attitude et un comportement qui font vraiment du mal.

En Bavière par exemple, la secte chrétienne des douze tribus a régulièrement eu des problèmes avec la police pour sa doctrine et ses pratiques abusives envers les enfants, tandis qu’aux États-Unis de nombreux chrétiens restent fidèles aux injonctions bibliques sur les châtiments corporels pour les enfants. Et les attitudes discriminatoires d’inspiration religieuse envers les gays, les lesbiennes et les transsexuels persistent dans de nombreuses confessions religieuses en Europe et aux États-Unis.

La collaboration entre la religion et les droits de l’homme est la meilleure façon d’avancer. Dans les sociétés où la dignité humaine est souvent exprimée à travers la religion, ce serait une erreur – et même un abus – de porter atteinte à, ou d’ignorer, la foi.